Monnaie unique africaine : l’ECO reste un horizon lointain depuis le « coup bas » de la Côte d’Ivoire

Monnaie unique africaine : l’ECO reste un horizon lointain depuis le « coup bas » de la Côte d’Ivoire
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L’ECO, la monnaie unique envisagée par les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), reste un projet ambitieux mais inachevé en avril 2025, malgré son annonce retentissante il y a plusieurs années. Prévue initialement pour renforcer l’intégration économique régionale et réduire la dépendance à des devises extérieures comme le franc CFA, son lancement a été repoussé à maintes reprises, et son avenir demeure incertain.

Le projet a pris forme officielle en 2000 avec la création de la Zone monétaire ouest-africaine (ZMAO), visant à introduire l’ECO d’abord parmi six pays anglophones (Gambie, Ghana, Guinée, Liberia, Nigeria, Sierra Leone), avant une fusion éventuelle avec le franc CFA utilisé par les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). En 2019, les chefs d’État de la CEDEAO ont adopté le nom « ECO » et fixé 2020 comme date de lancement, mais cet objectif n’a pas été atteint. La pandémie de Covid-19 a servi de prétexte officiel pour suspendre le pacte de convergence en 2020-2021, et une nouvelle feuille de route a été adoptée en juin 2021 à Accra, repoussant le lancement à 2027.

Cependant, les obstacles vont bien au-delà des perturbations pandémiques. Les dix critères de convergence (dont un déficit budgétaire inférieur à 4 % du PIB, une inflation à un chiffre, et des réserves couvrant trois mois d’importations) restent difficiles à atteindre pour la plupart des 15 pays membres. Historiquement, seul le Ghana a rempli les quatre critères principaux dans une année donnée (2011), et des poids lourds comme le Nigeria, qui représente 65 % du PIB régional, peinent avec une inflation chronique et une dépendance au pétrole. En décembre 2024, la CEDEAO a défini des critères pour sélectionner les pays candidats au lancement, mais lors de la réunion du Conseil de convergence du 3 mars 2025, les progrès ont été jugés insuffisants.

Un autre point de friction est la division entre les blocs anglophone et francophone. En 2019, l’UEMOA, sous l’impulsion de la Côte d’Ivoire et de la France, a annoncé unilatéralement que le franc CFA ouest-africain serait renommé « ECO », restant arrimé à l’euro avec une garantie française. Cette décision a été perçue comme une tentative de court-circuiter le projet plus large de la CEDEAO, provoquant la colère du Nigeria et d’autres pays anglophones qui y ont vu une violation de l’esprit régional. Depuis, deux visions coexistent : un ECO comme simple évolution du CFA pour l’UEMOA, et un ECO comme monnaie indépendante pour toute la CEDEAO, avec un régime de change flexible.

En 2025, le projet stagne. Le retrait de Burkina Faso, Mali et Niger de la CEDEAO en janvier 2024, après des coups d’État, a compliqué la dynamique régionale, bien qu’ils restent dans l’UEMOA et utilisent le CFA. Par ailleurs, des voix comme celle d’Alassane Ouattara, président ivoirien, ont appelé en 2024 à accélérer le calendrier à 2026, mais les analystes doutent de la faisabilité face aux divergences économiques et politiques. Le Nigeria, par exemple, hésite à sacrifier sa souveraineté monétaire sur le naira, tandis que les pays de l’UEMOA bénéficient encore de la stabilité du CFA.

En résumé, l’ECO reste une idée séduisante sur le papier – promettant de faciliter le commerce intra-régional (actuellement à 15 % contre 60 % en Europe) et de renforcer l’autonomie face aux chocs externes – mais sa concrétisation bute sur des réalités pratiques : manque de convergence économique, infrastructures faibles, instabilité politique et absence de consensus. À ce jour, le franc CFA perdure dans l’UEMOA, les autres monnaies nationales subsistent, et l’ECO, malgré les annonces, reste un horizon lointain, probablement au-delà de 2027.

admin

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