Bénin – Présidentielle 2026 : Richard Boni Ouorou, un espoir en construction mais pas un favori

Richard Boni Ouorou, politologue et communicateur béninois, a officiellement lancé le parti « Le Libéral » le 5 avril 2025 lors d’un congrès constitutif à forte mobilisation, avec plus de 1 200 délégués présents. Âgé de 49 ans, il ambitionne de se présenter à l’élection présidentielle d’avril 2026, même s’il n’a pas encore officiellement déclaré sa candidature. Son positionnement politique lui permettra-t-il de relever ce défi gigantesque dans un contexte électoral béninois assez complexe, où les acteurs politiques semblent se cacher ou hésitent à se lancer dans la course ?
À un an de l’élection présidentielle d’avril 2026 au Bénin, l’absence de déclarations officielles de candidature, tant dans la majorité que dans l’opposition, reflète plusieurs dynamiques. Dans un premier temps, le système de parrainage (15 % des maires et députés, soit environ 19 élus) impose une prudence stratégique : les potentiels candidats attendent de sécuriser ces soutiens, dominés par les partis pro-Talon (UPR et BR), qui contrôlent la quasi-totalité des mairies et des sièges parlementaires.
Secondo, avec Patrice Talon inéligible après deux mandats, l’incertitude sur son successeur désigné et les alliances possibles ralentit le positionnement des acteurs, notamment au sein de l’opposition (Les Démocrates, FCBE), qui peine à fédérer. Cette prudence tactique risque toutefois de limiter le débat public et l’animation politique à l’approche des législatives et municipales de janvier 2026.
Cependant, dans ce brouhaha, se positionne un homme qui parait, à l’heure actuelle, comme l’outsider qui pourrait tout chambouler. Le patron du parti « Le Libéral », Richard Boni Ouorou, visiblement, veut jouer sa carte et tenter de prendre la succession de Patrice Talon.
Chances de succès
Ouorou bénéficie d’une certaine notoriété grâce à ses activités sur les réseaux sociaux, ses ouvrages comme Projet pour un Bénin démocratique (2020), et son passé d’activiste. Sa formation (maîtrises en ingénierie commerciale à HEC Abidjan et en science politique à l’Université de Montréal) et son expérience au Canada, où il a travaillé dans l’équipe de Justin Trudeau, l’ancien Premier ministre canadien, lui confèrent une image d’intellectuel cosmopolite.
Depuis son retour au Bénin, il a montré une capacité à rassembler, notamment dans le septentrion (Parakou, Djougou, Kandi), où il attire des foules par des actions sociales (dons, repas durant le ramadan) et des discours sur l’éducation et la démocratie. Le lancement de son parti a également démontré un ancrage national avec des délégués de tous les départements.
Avec le départ annoncé de Patrice Talon en 2026, qui ne peut briguer un troisième mandat, le champ est ouvert. Les partis pro-Talon (Union Progressiste le Renouveau et Bloc Républicain) dominent, mais l’opposition, notamment Les Démocrates de Thomas Boni Yayi (28 sièges en 2023), reste active. Ouorou pourrait capter un électorat lassé des clivages traditionnels. Toutefois, le chemin ne lui sera pas facile et il devra relever de très gros défis.
Obstacles majeurs
La loi électorale amendée en mars 2024 exige qu’un candidat à la présidence obtienne le parrainage de 15 % des maires et députés (soit environ 19 sur 126, avec 77 maires et 109 députés en 2026), répartis sur trois cinquièmes des circonscriptions. Les partis pro-Talon contrôlent actuellement 70 des 77 mairies et 81 des 109 sièges parlementaires. Sans alliance, Ouorou risque de ne pas réunir ces parrainages.
Il affrontera des candidats de figures établies comme Boni Yayi, des candidats pro-Talon, et d’autres candidats potentiels avec des encrages politiques et sociaux probablement plus solides. Son positionnement « ni à gauche, ni à droite » pourrait séduire un centre mou, mais aussi le priver d’une base militante claire.
Certains le perçoivent comme un opportuniste cherchant à se faire remarquer pour négocier une position moindre, plutôt qu’un sérieux prétendant. Ses moyens financiers, bien que visibles dans ses initiatives (50 millions FCFA pour des projets jeunesse en 2022), semblent modestes face aux réseaux clientélistes et aux fortunes des ténors comme Talon, Yayi et bien d’autres.
À ce stade, ses chances d’atteindre la présidence en 2026 semblent faibles. Le système électoral favorise les partis établis, et sa jeune formation n’a pas encore prouvé sa capacité à rivaliser avec les machines politiques de l’UPR, du BR ou des Démocrates. Cependant, une percée aux législatives de 2026 (nécessitant 20 % des voix nationales pour obtenir des sièges) pourrait lui donner une assise. Son succès dépendra de sa capacité à transformer sa popularité locale en votes et à s’allier stratégiquement.
Nouveauté de ses propositions
Le parti « Le Libéral » se positionne autour d’une idéologie centrée sur l’individu : démocratie réelle, État de droit, justice sociale, respect des droits, liberté, égalité devant la loi et propriété privée. Ouorou insiste sur l’éducation, la tolérance et l’équité comme leviers de progrès, tout en rejetant les étiquettes traditionnelles gauche/droite et le régionalisme qui marquent souvent la politique béninoise.
En refusant de s’aligner sur les blocs existants, il propose une alternative aux divisions pro-Talon/opposition, visant un « Bénin plus juste » inclusif. Cela contraste avec le clientélisme et les affiliations ethniques (nord/sud) habituels.
Ses initiatives (formation politique, soutien aux communautés) et son discours mettent l’accent sur l’autonomisation des citoyens, un angle moins priorisé par les grands partis, souvent focalisés sur les infrastructures ou le pouvoir brut. Ses investissements dans les projets de jeunes entrepreneurs suggèrent une vision économique où l’État facilite l’initiative privée, une idée peu développée dans un pays marqué par l’interventionnisme ou l’inertie.
Limites et continuité
Ses idées restent vagues et généralistes (« démocratie réelle », « développement inclusif »), manquant de propositions concrètes pour se démarquer des promesses classiques des autres partis. Par exemple, Talon a aussi misé sur des réformes économiques et sociales dans son Programme d’Action du Gouvernement. Le libéralisme qu’il prône n’est pas inédit : des figures comme Adrien Houngbédji (ex-Parti du Renouveau Démocratique) ont porté des discours similaires par le passé, sans révolutionner le paysage.
Richard Boni Ouorou a une chance limitée de remporter la présidence en 2026 sans une stratégie électorale robuste pour contourner les barrières institutionnelles et concurrencer les poids lourds. Son parti apporte une fraîcheur idéologique et une énergie nouvelle, mais ses propositions, bien que séduisantes pour un électorat jeune ou désabusé, ne sont pas assez disruptives pour bouleverser l’ordre établi. S’il échoue à la présidence, son influence pourrait néanmoins grandir comme voix critique ou faiseur de roi dans un jeu d’alliances post-électoral. Pour l’instant, il est plus un espoir en construction qu’un favori.