Adieu Paris, le Niger purge les noms de rues de la capitale de toute influence française
Le Niger a fait ses adieux mardi à l’avenue Charles de Gaulle, la junte au pouvoir ayant rebaptisé plusieurs sites historiques de la capitale Niamey qui portaient auparavant des références à l’ancienne puissance coloniale française.
Depuis leur prise de pouvoir par un coup d’État en juillet 2023, les dirigeants militaires de la nation sahélienne ont tourné le dos à Paris, nouant plutôt des liens avec d’autres juntes au Burkina Faso et au Mali – ainsi qu’avec la Russie.
Au son des fanfares, plusieurs responsables de la junte sont descendus dans la rue pour assister à l’investiture des nouveaux noms. « La plupart de nos avenues, boulevards et rues… portent des noms qui ne sont que des rappels des souffrances et des brimades endurées par notre peuple durant l’épreuve de la colonisation », a déclaré le colonel major Abdramane Amadou, ministre de la Jeunesse et porte-parole de la junte. « L’avenue qui portait autrefois le nom du général Charles de Gaulle est désormais baptisée ‘avenue Djibo Bakary' », a ajouté M. Amadou. Homme politique socialiste décédé en 1998, Bakary fut une figure clé de la lutte pour l’indépendance du Niger, obtenue en 1960.
Quelques centaines de mètres plus loin, le mémorial aux morts des deux guerres mondiales rend désormais « hommage à toutes les victimes civiles et militaires de la colonisation jusqu’à nos jours ». Alors que la junte au pouvoir accuse fréquemment la France de vouloir la renverser, le changement de nom des monuments et des rues marque une confirmation symbolique de la rupture du Niger avec son ancien dirigeant impérial.
Depuis le coup d’État, les autorités nigériennes ont expulsé les soldats français qui combattent la menace extrémiste persistante dans la région ainsi que l’ambassadeur de France, tandis que le centre culturel franco-nigérien n’est plus géré comme une entreprise commune et a été rebaptisé du nom du cinéaste nigérien Moustapha Alassane.
– « Honorons nos ancêtres » –
D’autres monuments de Niamey porteront de nouveaux noms. Un portrait du commandant et explorateur français Parfait-Louis Monteil, gravé pendant des décennies dans la pierre, a été remplacé par une plaque à l’effigie du leader communiste emblématique du Burkina Faso voisin, Thomas Sankara. Héros anti-impérialiste surnommé le Che Guevara de l’Afrique, Sankara a été tué lors d’un coup d’État en 1987. Sa veuve et ses partisans accusent la France d’avoir participé à l’organisation de ce coup d’État. Amadou a salué Sankara comme un homme dont la « lutte pour la libération » et « l’émancipation des peuples » « inspire encore les gens » aujourd’hui.
Entre-temps, la place de la Francophonie a été rebaptisée du nom de l’Alliance des États du Sahel – une confédération créée avec le Mali et le Burkina Faso en 2023, cimentant les relations entre les pays frappés par le coup d’État. Tous trois ont vu leur adhésion à l’Organisation internationale de la Francophonie, qui compte 88 États, suspendue à la suite de leurs coups d’État.
Désormais, « nous allons honorer nos ancêtres », a promis le général Assoumane Abdou Harouna, gouverneur de la région de la capitale et figure de la junte.
En juin 2023, peu avant le coup d’État qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, le Niger a également adopté un nouvel hymne national intitulé « Pour l’honneur de la patrie », qui fait référence à la lutte anticoloniale. Elle remplace « La Nigerienne », dont les paroles ont été écrites par le compositeur français Maurice Albert Thiriet en 1961, un an après l’indépendance du pays.